Métiers des Jeux... Alain Zobrist, chronométreur olympique
La firme suisse « Oméga » est le chronométreur officiel des Jeux olympiques depuis 1932 et des paralympiques depuis 1964.
Alain Zobrist, chef de projet chronométrage au sein de « Swiss Timing », responsable du projet olympique et paralympique chez Omega, nous parle de cette fonction peu connue mais essentielle pour mesurer les performances et établir les classements de toutes les disciplines…
Comment devient-on chronométreur ?
C’est une bonne question. Le métier de chronométreur ne s’apprend pas à l’université. C’est vrai qu’en Suisse, nous avons le savoir-faire. Le chronométrage s’apprend avec l’expérience. Oméga fait du chronométrage depuis les Jeux de 1932 à Los Angeles et nous avons des collaborateurs qui sont là depuis très longtemps et qui ont un background d’ingénieur, d’électronicien ou de physicien. En fait, il y a toutes sortes de métiers qui sont utiles aux différentes demandes qui nous sont faites.
Comment Omega s’est-il retrouvé à chronométrer les Jeux ?
En fait, en 1932, pour les Jeux d’été de Los Angeles, Oméga était la seule marque capable de fournir 30 chronographes certifiés, précis au dixième de seconde, pouvant mesurer les performances des athlètes. A la demande du comité d’organisation et du CIO, un horloger a été dépêché depuis Bienne, en Suisse, jusqu’à Los Angeles afin de fournir ces chronographes.
Aujourd’hui, c’est bien différent. Il n’y a plus d’horloger mais 530 chronométreurs qui ont été envoyés à Tokyo et qui ont déployé environ 400 tonnes de matériel afin de fournir les résultats de tous les athlètes dans tous les sports.
Est-ce que tous les chronométreurs viennent de Suisse ?
Non, ils sont de 26 ou de 27 pays différents mais principalement de Suisse et d’Allemagne où est basée une de nos filiales. C’est une équipe très internationale.
Et pour les Jeux paralympiques ? Y-a-t-il de » grandes différences ?
Il y a moins de personnel sur place car il y a moins de sports et moins d’athlètes. Il reste quand même environ 280 chronométreurs mobilisés avec environ la moitié du matériel.
Je pense que l’athlétisme est le sport le plus complexe à chronométrer et celui qui demande le plus de personnel parce que les événements se déroulent de manière simultanée.
Quels sont les sports les plus difficiles à chronométrer ?
Je pense que l’athlétisme est le sport le plus complexe à chronométrer et celui qui demande le plus de personnel (environ 50 chronométreurs) parce que les événements se déroulent de manière simultanée. Il peut y avoir une course en même temps qu’une épreuve de saut et qu’une autre épreuve de lancers. Il y a du personnel sur le terrain, du personnel dans le poste central de chronométrage, d’autres personnes dans le poste de traitement de données. Tout doit être parfaitement coordonné.
Vous ne mesurez pas que le temps ?
Non, on mesure les temps, les distances, les hauteurs. Tout ce qui se mesure est analysé et répertorié. Et pour la première fois, lors de ces Jeux de Tokyo, nous avons placé des capteurs de mouvement qui permettent de détailler différents gestes techniques donnant un nouvel outil d’analyse pour les athlètes, leurs coaches ou même pour les retransmissions télé.
On peut ainsi comprendre où et comment l’athlète a perdu ou gagné du temps ainsi que son efficacité en natation, en gym, en athlétisme ou en beach-volley.
Pour la première fois, lors de ces Jeux de Tokyo, nous avons placé des capteurs de mouvement qui permettent de détailler différents gestes techniques...
Y-a-t-il un sport qui pourrait se passer de chronométrage?
Non aucun. On travaille aussi bien dans les sports de chronomètres que dans les sports de jugement. Dans tous les sports, il y a besoin de classement et de technologie pour fournir les résultats.
Je crois qu’un seul sport est chronométré au millième de seconde, le cyclisme sur piste. C’est cela ?
Oui, exact. C’est le seul sport olympique d’été dont les résultats sont donnés au millième. Il faut savoir que nos systèmes sont capables de mesurer au millionième de seconde. Mais, afin qu’il n’y ait pas de discussion nos systèmes sont calibrés en fonction des règlements de chaque discipline soit au dixième, soit au centième soit au millième.
Depuis quand êtes-vous chronométreur ?
Cela fait 20 ans que je travaille chez Swatch Group. J’ai débuté ma carrière chez Oméga et cela fait sept ans que je m’occupe de chronométrage au sein de Swiss Timing qui est une autre filiale du groupe, le plus gros producteur de montres au monde (1).
Est-ce que les Jeux paralympiques posent des problèmes particuliers en matière de chronométrage ?
C’est très unique comme organisation car les athlètes sont catégorisés en fonction de leur handicap (C1, C2, W1, SL4…). Cela influence la manière dont on mesure le temps en intégrant des handicaps. Le temps est factorisé en fonction de l’athlète. On ajoute aussi des cellules pour les courses en fauteuil roulant en athlétisme. On a aussi des émetteurs lumineux pour visualiser le départ pour les athlètes sourds ou malentendants.
Et quel est le bilan de ces Jeux de Tokyo ?
Il semble que toutes les performances ont été entérinées et tous les temps ont été mesurés dans les règles de l’art (sourire).
Le Swatch group comprend 18 marques parmi lesquelles Swatch bien sûr mais aussi de montres plus prestigieuses comme Tissot, Bréguet, Blancpain, Longines ou Omega.
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