Aimé Godard et l'école Monge

Culture

Aimé Godard et l'école Monge

Né en 1837, Aimé Godard fonde l'école Monge en 1869, à Paris - d'abord sise au 32 rue Chaptal, elle est transférée boulevard Malhesherbe en 1877, dans un bâtiment d'exception conçu pour l'accueillir. Il la dirige jusqu’en 1895, et y distille son idéalisme saint-simonien. Autour de lui, des progressistes engagés pour l'adoption de méthodes pédagogiques nouvelles, à l'instar de l'éducateur Joseph de Bagnaux.

Aimé Godard

Polytechnicien, ingénieur des Ponts et Chaussées, Godart se passionne très tôt pour l’enseignement. Professeur, sous-directeur puis directeur du collège Sainte-Barbe, il a 32 ans quand il inaugure cette école privée laïque dont il souhaite qu’elle puisse proposer une nouvelle approche de l’enseignement. Il la nomma Monge, en hommage au principal fondateur de l’École Polytechnique et c’est en toute logique qu’il s’intéressa très tôt aux vertus éducatives du sport. Sa collaboration avec Pierre de Coubertin permet à ce dernier d’expérimenter les préceptes de l’éducation anglaise et c’est toute logiquement qu’il est intégré à la Commission pédagogique de l’USFSA.

Les compositeurs Charles Koechlin, Albéric Magnard ou Gaston Carraud se forment ainsi dans cet établissement qui ne limite pas ses innovations à l’enseignement des activités physiques. La musique y occupe en effet une place privilégiée, avec des concerts de musiciens de renom – tel Charles de Bériot en 1880 -, l’enseignement de méthodes nouvelles ou la présence au sein du corps professoral d’artistes professionnels.

Son approche novatrice finit toutefois par causer la perte de l’école, les difficultés financières sonnent le glas de l’École Monge, revendue à l’État et transformée à la fin de la présidence Godart en lycée Carnot pour garçons.

L’École Monge, présentée par Pierre de Coubertin

« L'école (…) appartient donc à ces nouveaux quartiers aérés et somptueux dont les avenues droites et les pierres blanches contrastent si complètement avec les rues tortueuses et les mun noircies du quartier latin; la différence est encore plus se entre les lycées qui s'élèvent sur le rive gauche et l'établissement dont je vous parle. Au centre s'étend une cour couverte qui mesure 80 mètres de long sur 30 de large : imaginez le hall de quelque richissime compagnie financière débarrassé de ses comptoirs et de ses commis ; le sol est en asphalte, la toiture vitrée. A la hauteur du premier étage, court une galerie sur laquelle ouvre une litanie de portes et de fenêtres; aux deux extrémités, des portiques de gymnastique surchargés d'agrès. Quand on est là, on comprend que cette école ne ressemble pas aux autres, qu'elle est un champ d'expériences scolaires, qu'on y a horreur de la routine et que les nouveautés y équipe de football de l’École Monge séduisent.

Dans le passé, les innovations ont porté sur l'enseignement ; avec sa sœur cadette, l'école Alsacienne, l'école Monge a ouvert une voie où l'Université n'a pas tardé à s'engager; l'avenir s'annonce plus brillant encore; c'est sur le terrain de l'éducation que l'on va désormais travailler. (…) L'école renferme 850 élèves et [il] s'agissait de leur faire faire un pas dans l'inconnu, et non seulement à eux, mais à leurs parents, [il] fallait prévoir les objections et les résoudre d'avance, contenir l'enthousiasme des uns et en même temps réchauffer l'ardeur des autres... (…)

Les récréations nouvelles: le mardi et le vendredi pour les plus grands; lundi, mercredi et samedi pour les plus petits; (…).

Si donc vous passez, vers deux heures, un de ces Jours ci-dessus mentionnes, aux environs de l'école Monge, vous ne pouvez manquer de rencontrer un immense char à bancs attelé de quatre chevaux et suivi de beaucoup d'omnibus remplis d'enfants: tout cela se dirige vers le bois de Boulogne; le char à bancs déverse, devant les manèges du Jardin d'Acclimatation, tous les jeunes cavaliers; les omnibus gagnent les uns le Pré Catelan, les autres le lac; au Pré Catelan, un professeur de vélocipède se tient à la disposition de ceux qui veulent cultiver son art ; ailleurs, il y a des parties de toutes espèces : sur le lac on canote dans les lourds bateaux forme douairière, que les gardiens louent au public ; mais bientôt les jolies yoles à bancs mobiles que l'école a commandées viendront les remplacer. Enfin, sur une des grandes pelouses du bois, on joue au cricket, s'il vous plaît.

Vous me direz que tout cela doit coûter cher aux familles; c'est exorbitant. Frais de transport, entrée au Jardin d'Acclimatation et location au Pré Catelan : 10 centimes par jour et par élève; soit 3 francs par mois. Les leçons d'équitation sont de 1 franc et les promenades à cheval dans le bois, sous la surveillance d'un écuyer, de 2 francs l'heure. (…) A Monge, les promenades du jeudi se font à la campagne, grâce aux omnibus qui y transportent les élèves: on a tenu à les conserver, c'est tout simple: presque partout ailleurs, c'est à travers Paris qu'elles se déroulent. »