Convention citoyenne sur les temps de l’enfant
Engagement15 oct. 2025
Cahier d’acteur déposé par : Le Comité National Olympique et Sportif Français

Nos constats
Quelle est notre vision de l’organisation actuelle des temps des enfants en France ?
Un constat alarmant Le pays n’est pas assez conscient du danger sanitaire dans lequel se trouve notre jeunesse aujourd’hui. Nous sommes face à un réel problème de santé publique lié à l’inactivité physique, à la sédentarité et à la dépendance aux écrans. C’est une « bombe à retardement sanitaire » : nous préparons des générations en mauvaise santé. Le professeur François Carré, cardiologue et médecin du sport, le dit : « Nos adolescents de 15 ans préparent leur infarctus à 30 ans ». L’ANSES a récemment montré que 49% des 11-17 ans présentent un risque sanitaire très élevé, avec un dépassement simultané de deux seuils : plus de 4h30 de temps d’écran/jour, et moins de 20 mn d’activité physique/jour !
Les données de l’Organisation mondiale de la santé (OMS) corroborent ces constats sous un angle complémentaire, lui aussi préoccupant : si rien ne change, en 2050, 1 enfant sur 3 sera obèse et deux tiers d’entre eux se battront toute leur vie contre le surpoids.
Et, de leur côté, les données de Santé Publique France montrent parallèlement que la santé mentale de nos adolescents se dégrade : plus de la moitié des jeunes (51% des collégiens et 58% des lycéens) font état de difficultés psychologiques ou somatiques récurrentes ; 14% des collégiens et 15% des lycéens présentent un risque important de dépression. Une tendance lourde, accentuée par la Covid-19.
Relevons ensuite que le modèle français d’éducation contribue à accentuer la sédentarité à mesure que les jeunes avancent dans leur scolarité : les enseignements se déroulent dans la classe et assis, et ils augmentent au fil du curriculum alors que le temps d’enseignement de l’EPS régresse, passant de 4h en 6ème à 3h en 5ème, puis 2h au lycée. Dans ce contexte, 37% des 6-10 ans et 73% des 11-17 ans n’atteignent pas les standards d’activité physique recommandés par l’OMS. Et l’entrée au collège correspond au début de l’érosion de la pratique en club sportif, notamment chez les filles : le taux de licence est de 60% à 12 ans mais de 30% à 18 ans.
Pour les enfants, c’est une énorme perte : ils ne bénéficient pas des bienfaits du sport sur leur santé physique (après six semaines d’entraînement, un collégien regagne 5% de ses capacités cardio-respiratoires), sur leur santé cognitive (l’activité physique contribue à la plasticité cérébrale nécessaire pour mémoriser et analyser et à la construction de l’intelligence) mais aussi sur leur équilibre et leur sociabilisation : le sport est vecteur d’inclusion, il est un outil d’apprentissage des valeurs citoyennes, du respect de l’autre, de la coopération et du dépassement de soi. Et il est source de plaisir : pour 89 % des collégiens, il permet de s’amuser et 83 % le voient comme une occasion de passer de bons moments avec ses copains et de s’en faire de nouveaux.
Dernier élément du diagnostic, la situation française est singulière : la France a le temps d'instruction annuel le plus important des pays de l’OCDE (864h v. 800h en moyenne), mais est aussi l’un des pays avec le nombre de semaines d’école le moins élevé (36 semaines par an contre 38 en moyenne), avec 16 semaines de vacances par an contre 13,5 en moyenne dans les autres pays. Ce volume annuel élevé, concentré sur moins de semaines de travail, donne mécaniquement des amplitudes journalières très importantes, avec un 8h30-16h30 répandu dans le primaire et des variations dans le secondaire allant parfois jusqu’à 8-18h au lycée.
C’est pour se donner une chance de corriger ces constats que nous proposons une grande réforme sociétale : la sortie des classes à 16h au plus tard pour tous les enfants permettant, sans changer de modèle, un équilibre plus harmonieux entre les temps de l’enfant (scolaire, périscolaire, extrascolaire). En continuant à s’appuyer sur tout ce que l’école apporte d’essentiel, il s’agit d’ouvrir plus largement, en complément, un temps extrascolaire lui aussi propice à l’épanouissement de notre jeunesse et qui peut être bien mieux structuré et mieux accompagné qu’aujourd’hui dans notre pays, dans l’intérêt des enfants et avec une vraie valeur ajoutée pour toutes les familles.
Le changement est possible, d’autres l’ont entrepris : aux Pays-Bas, la journée scolaire s'achève entre 15 h et 16 h. En Finlande, une politique gouvernementale a permis, en lien avec des choix éducatifs forts, de faire passer entre 2002 et 2018 la proportion de jeunes qui font au moins 1h d’activité physique par jour de 18 % à 35 % chez les garçons, et de 12 % à 29 % chez les filles5.
Nos propositions
Quels sont les axes de propositions et idées que nous portons à la connaissance de la Convention citoyenne ?
Avant d’évoquer le coeur de cible de notre recommandation, une précision concernant les jeunes hauts potentiels sportifs : un cadre rénové et des aménagements significatifs ont déjà été mis en place depuis plusieurs années ; l’enjeu maintenant est d’aller jusqu’au bout. Nous insistons ainsi sur l’importance que soient tenus les engagements pris en 2023 de multiplier par trois les places en sport-études, pour les faire passer à 30 000 places, afin que chaque jeune ait une formule à horaires aménagés (fin des cours à 13h ou 14h) à proximité. Ce dispositif, consacré par la loi (loi du 2 mars 2022, art. 19) et déjà accessible à 19 400 élèves, est un véritable atout pour leur double réussite, scolaire et sportive, et leur épanouissement.
Pour tous les autres élèves, du primaire au lycée, la réforme que nous proposons consiste à garantir une sortie des cours à 16h au plus tard (sans modifier les équilibres trouvés sur le rythme du mercredi). L’objectif : permettre à tous les jeunes de notre pays d’avoir chaque jour accès à un ensemble d’activités extrascolaires. Du sport (indispensable !), sur lequel cette contribution est centrée, mais aussi des activités culturelles ou artistiques, selon leurs préférences et les choix qui seront faits par les familles.
Libérer du temps extrascolaire pour permettre plus d’activités physiques et sportives pour nos enfants
En préambule, nous rappelons notre attachement à ce que soient sacralisés les volumes horaires d’EPS, dispensés par des enseignants bien formés et qui représentent une composante fondamentale des programmes de l’Éducation Nationale. Au primaire, cet enseignement doit rester complété par les 30 minutes d’Activité Physique Quotidienne : de l’activité positionnée librement dans la journée et pour laquelle les enseignants doivent être davantage formés et soutenus, notamment par des intervenants extérieurs s’ils le souhaitent.
La réforme que nous proposons, avec la préservation des mercredis et la sortie de classe anticipée à 16h les autres jours de la semaine, s’appuiera dans le champ sportif sur deux piliers qui comptent parmi les forces du modèle sportif français :
- les associations de sport scolaire (USEP, UNSS et UGSEL), dont le travail et l’expertise éducative sont reconnus et dont le potentiel est considérable. Nous devons réussir à les démultiplier dans le premier degré, et inciter les familles à y inscrire leurs enfants en faisant mieux connaître cette pratique complémentaire de la pratique en club sportif.
- Les clubs de nos fédérations sportives qui, par leur diversité, proposent un large éventail d’activités physiques et sportives.
Le temps scolaire libéré permettra aux 162 000 clubs sportifs qui maillent le territoire national d’accueillir des jeunes sur de nouvelles plages horaires, dès 16h30, avec 2 ou 3 rotations jusqu’à la fin de journée. L’organisation sur davantage de créneaux de pratique sportive favorisera une bonne répartition du temps des éducateurs sportifs et un lissage de l’utilisation des équipements sportifs.
Le départ anticipé à 16h pour tous aura pour autre avantage de permettre la massification des schémas de transport avec les collectivités territoriales. Des solutions de minibus sportifs ou de covoiturage (permises par la lisibilité d’organisation offerte aux familles, dont tous les enfants sortiront à 16h) pourront compléter l’offre.
Cette organisation conduira nos clubs à s’affirmer encore davantage qu’aujourd’hui comme des espaces de socialisation, des lieux de vie au coeur desquels les enfants pourraient avoir accès, avant ou après leurs créneaux de pratique sportive, à des activités ludo-éducatives complémentaires (ex : lecture, dessin/peinture, jeux extérieurs, jeux de société, pratique des échecs, etc.).
Comment y arriver
La sortie à 16h pour tous implique l’optimisation des emplois du temps scolaires en limitant les heures creuses et en tenant compte des contraintes de salles et d’options. Les efforts d’optimisation seront certainement un peu plus importants pour les lycéens et pourraient nécessiter une rentrée anticipée de quelques jours à la fin du mois d’août permettant la réduction des journées sans toucher au volume des enseignements obligatoires.
Cette réforme s’inscrira dans le cadre d’une approche partagée et d’une gouvernance à la fois volontariste et adaptée, associant l’Éducation Nationale et les partenaires sociaux, le mouvement sportif, les collectivités territoriales, mais aussi les parents d’élèves (et leurs représentants), qui apprécieront de se voir proposer un meilleur accès pour leurs enfants à des activités épanouissantes et bien encadrées, de nature à réduire leur exposition aux écrans et à améliorer leur état de forme. Deux outils de planification et d’animation des politiques publiques existent déjà pour orchestrer cette organisation collective, mais sont peu utilisés : les Plans sportifs locaux (art. L. 113-4 du Code du Sport) et les Projets Éducatifs Territoriaux (PEDT, art. D.521-12 du Code de l’Education). Il faut s’en saisir pleinement !
Le mouvement sportif sera au rendez-vous de cette réforme en diversifiant et massifiant son offre de pratiques dès 16h30, avec une mobilisation de ses forces vives pour un accueil de qualité, une accélération du recrutement et de la formation des éducateurs sportifs et la bonne coopération de tous les acteurs de la continuité éducative. Là où subsistent des zones déficitaires en équipements sportifs notamment, les clubs sportifs gagneront à pouvoir être accueillis dans les équipements localisés au sein des établissements scolaires ; les préfets et les recteurs sont d’ailleurs incités à mettre en place les conditions de ce « partage d’équipements »8. Il faudra créer les bons espaces de discussion, de mutualisation et de décision sur l’utilisation cohérente des équipements sportifs.
Enfin, et cette condition sera absolument essentielle pour que cette réforme soit une réussite et bénéficie à tous les enfants : aucun d’entre eux ne doit se voir barrer l’accès au sport pour des raisons financières. Une tarification sociale des activités physiques et sportives doit donc être mise en place, avec une vraie démarche partenariale à laquelle le CNOSF et les fédérations ont vocation à prendre toute leur part. A cet égard, nous souhaitons, en premier lieu, rappeler l’importance du rétablissement du pass Sport pour les 6-13 ans.
GARANTIR UNE SORTIE DES COURS A 16H EST UNE REFORME QUI MET L’INTERET DE L’ENFANT AU COEUR DES PREOCCUPATIONS. Lui donner accès à d’autres espaces de socialisation, en relais de l’Éducation nationale, à des opportunités régulières de prendre soin de son corps, de son esprit et l’accompagner dans son rôle de citoyen en construction par l’accès à de nouveaux centres d’intérêts, c’est lui donner des outils supplémentaires de réussite et d’épanouissement. Cette réforme repose sur une nouvelle coopération à instaurer entre institutions qui se coordonnent localement pour mettre en oeuvre les bons aménagements, avec souplesse et pragmatisme mais autour du cap clair des « 16h pour tous ». Elle aurait par ailleurs de nombreux effets positifs, notamment sur le développement du tissu associatif sportif et culturel (nouveaux créneaux, nouveaux usages, nouveaux emplois), vecteur essentiel de lien social dans tous nos bassins de vie.
Par le groupe de travail piloté par le Comité National Olympique et Sportif Français (CNOSF) :
- Audrey Bergouignan, Directrice de recherche au Centre National de la Recherche Scientifique (CNRS).
- Pr. François Carré, Cardiologue, Président du Collectif « Pour une France en Forme ».
- Sébastien Carrez, Vice-président de la Fédération française de Rugby en charge des politiques éducatives (FFR).
- Christophe Communier, Ancien président de l’Union générale sportive de l’enseignement libre (UGSEL).
- Stéphane Diagana, ancien athlète, double champion du monde d’athlétisme, conférencier sur la performance collective durable et le sport santé.
- Carine Erard, Société de sociologie du sport de langue française (SSSLF).
- Sylvain Ferez, Professeur en détachement à l'Institut des sciences du sport de l'Université de Lausanne.
- Astrid Guyart, médaillée olympique d’escrime, Vice-présidente du CNOSF en charge des Équipes de France et des athlètes.
- Catherine Léonidas, première adjointe au maire de la Rochelle en charge du sport et du nautisme, Vice-présidente de l’Association nationale des élus en charge du sport (ANDES).
- Véronique Moreira, Vice-présidente du CNOSF en charge de l’Éducation et de la Jeunesse, Présidente de l’Union sportive de l’enseignement du premier degrè (USEP).
- Amélie Oudéa-Castéra, Présidente du CNOSF.
- Bertrand Picard, entrepreneur.
- Jean-Marc Serfaty, Directeur national de l’Union Nationale du Sport Scolaire (UNSS).