Frantz Reichel

Culture

Frantz Reichel

Frantz Reichel, de son vrai nom François Etienne Reichel, dit l’obus, est sans doute l’athlète le plus accompli de l’histoire du sport français. Fils de Louis-Philippe Reichel, qui fut trésorier de I’U.S.F.S.A, Frantz Reichel brilla dans tous les domaines d’un sport en structuration. Doté de qualités physiques hors normes alliées à un sens du dépassement de soi inédit, Frantz Reichel trouva à s’épanouir dans toutes les disciplines et ce, dès le plus jeune âge.

Le sportif

En athlétisme, ses prédispositions l’amenèrent aux succès en vitesse comme en fond. Premier de sa première grande compétition, un rallye-papers couru à Ville d’Avray, il multiplia par la suite les performances sur toutes les distances Illustration de sa totale polyvalence athlétique, il remporta, au cours de la même réunion de championnats interscolaires organisée le 3 avril 1890 à la Croix-Catelan : le 110 mètres haies en 17" 3/5, le 100 mètres plat en 12", le 400 mètres en 52" et le 1.500 mètres en 4'12". Il participa aux championnats de France d’athlétisme dès leur création, en 1888. Champion de France de Cross country (1890, 1891), du kilomètre marche (1893) et du 110 m haies (1891), il fut également recordman de France de la demi-heure (en 1892 : 7 km 985 puis 8 km 299 à un mois d’écart), de l’heure (16km 500m puis 611m en 1892, à dix jours d’intervalle) et du kilomètre marche (1891).

Aux Jeux olympiques d’Athènes en 1896, il participa au 400m et au 110m haies. Inscrit sur 100 et 500m en natation, il ne prit toutefois pas le départ des courses pour lesquelles trop de concurrents avaient été inscrits. Membre du Racing Club, il fut pendant longtemps le capitaine de l’équipe de Rugby et participa au premier match de l’histoire du championnat (arbitrage par le baron de Coubertin en personne), match qu’il conclut sur un essai. Egalement capitaine de l’équipe de France de Rugby, il prit part à la première rencontre internationale, tenue Outre-manche en 1893, puis devint à sa tête champion olympique aux Jeux de 1900 à Paris. Il terminera sa carrière rugbystique au S.C.U.F. à l’âge de 45 ans.

Agile boxeur, il affronta les meilleurs poids légers de son époque, y compris le Français Castères et le Suisse Franck Erne, alors champion du monde en titre. Attiré par les airs, Frantz Reichel fut du premier essai de nombreux dirigeable (Lebaudy, Ville-de-Paris, Clément-Bayard, Zodiac). Il accompagna Eduard Spelterini, lors de la première tentative (et réussite) de traversée du Massif du Mont-blanc en sphérique. En 1908, il fut le second passager de Wilbur Wright, auteur du premier vol en circuit fermé au camp d'Auvours et avec lequel il devint recordman du monde de durée en vol. Ses qualités d’escrimeurs lui permirent par ailleurs de remporter la plupart de ses assauts, en compétition comme en duel. Son insatiabilité lui fit tout essayer : champion cycliste amateur, il participa aux essais de la fameuse première automobile à vapeur de Serpolet ; il passait des rênes aux rames, luttait, pratiquait la gymnastique...

Le dirigeant

Le dirigeant

Voici pour le parcours sportif. Mais le fils du premier trésorier de l’USFSA ne délaissa pas pour autant le terrain institutionnel, bien au contraire. Il avait dix-sept ans quand, en juin 1889, il créa au lycée Lakanal de Sceaux la première association scolaire qui ait existé dans un collège d’État. Plus tard, il écrira : « Je me souvins qu'au cours de nos promenades équestres au Bois de Boulogne, mon père et moi nous avions, comme tant d'autres cavaliers, arrêté maintes fois nos montures devant un enclos égaré dans une vaste clairière. Parmi les fourrés des alentours du Pré Catelan, une piste était tracée ; une barrière clôturait, un chalet d'une aimable rusticité y était modestement et coquettement campé. Sur cette piste, tous les dimanches matin, des jeunes gens vêtus de soie rivalisaient, à la course, de vitesse et d'endurance; puis, quelques-uns d'entre eux luttaient sur l'herbe des pelouses. Un homme de haute stature, bien découplé, d'allure martiale, barbe blonde, présidait avec autorité à ces débats. (…) C'est à lui que je m'adressai. Il s'appelait Georges de Saint-clair; il me donna des conseils et c'est sur ses indications que je fondai Le Sport athlétique du lycée Lakanal ».

Après avoir participé à la fondation de l’Union cycliste française, il entra à son tour à l’USFSA, où il finira par occuper le poste de Secrétaire général autrefois celui de Pierre de Coubertin. Son engagement, ses convictions et son influence furent décisifs pour l’avenir du sport français. Ardent défenseur de sa conception d’une fédération par sport, son long combat pour cette cause fut à son image d’athlète : persévérant et victorieux il reste l'architecte du fédéralisme français contemporain.

En 1903, il fonde la Fédération française des sociétés de boxe ; en 1905, il crée et préside la Fédération française de rugby ; en 1919, le 11 avril, il participe à la création de la Fédération française de football association dont il prend la vice-présidence. Quelques mois auparavant, le 25 janvier 1919, Reichel avait gagné l’ultime bataille, celle qui allait sceller le sort de l’USFSA : l’adoption par l’Union d’une motion favorable à la création d’une seule fédération par sport. Dès lors, les créations se succédèrent pour lesquels il eut toujours une grande influence, puisqu’il participa à la création des Fédérations françaises de lutte, d’haltérophilie, de baseball et thèque, de natation... Président de la Fédération française de Hockey sur gazon, il fut également, de 1926 à sa mort en 1932, président de la Fédération internationale. Membre du Comité Olympique Français de 1904, son action fut déterminante pour la création du Comité Nationale des Sports où il assura la fonction de secrétaire général. Secrétaire et commissaire général des Jeux olympiques de 1924, à Paris et Chamonix, il en fut le grand architecte. Reichel fut également secrétaire général de l'Académie des Sports.

Le journaliste

Dernier volet du triptyque Reichel, tout aussi surprenant et une nouvelle fois mené avec cette détermination qui lui était propre cette force de toujours s’impliquer à l’extrême : la presse.

Héritier de la plume paternelle, Frantz s’essaya au journalisme dès le lycée puisqu’il rédigeait le Bulletin de l’association scolaire qu’il venait de créer. Par la suite, malgré son doctorat en droit, il maintint son activité journalistique dans le domaine du sport et collabora aux premiers journaux spécialisés, à L’Athlète, sous le pseudonyme de P. d'Alize et au Vélo. Sa réputation grandit et lui ouvrit de nouvelles perspectives. Il organisa ainsi le service de presse du Congrès olympique de 1894 et fonda avec Paul Rousseau Le Monde Sportif, avant d’entrer au Figaro et d’y créer la rubrique sportive. Ses matinées sportives achevèrent d’asseoir sa renommée au sein d’un public de plus en plus large.

Lieutenant durant la Première Guerre mondiale, Frantz Reichel entra à L'Avenir, puis devint co-directeur de Sporting avant de revenir définitivement au Figaro, dans les locaux duquel il décéda, le stylo en main, en 1932. Il était alors président du Syndicat de la Presse Sportive et de l’Association Internationale de la Presse Sportive, créée sous son impulsion en 1920. Il semble impossible de détrôner Pierre de Coubertin sur le podium de la mémoire sportive. Il est cependant difficile de ne pas voir en Frantz Reichel le plus complet des hommes de sport français.

1871-1932